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[EXTRAIT] Héritage, chapitre 1

Impatients de découvrir le dernier tome des Enfants de Vénus ?

Je vous offre un aperçu avec le premier chapitre complet.

Bonne lecture !


!!! Avertissement :

Si vous n'avez pas lu les tomes 1 et 2, je vous déconseille fortement de lire cet extrait au risque de vous divulgâcher l'intrigue.

 

1.


Une brise tiède s’infiltra dans la chambre à l’étage, caressant la peau nue des deux corps enlacés. L’atmosphère de la cité s’engageait par la fenêtre entrouverte, transportant les effluves printaniers du marché et l’effervescence matinale des femmes et des hommes de Sàlissa. L’intérieur de la pièce, à l’inverse, semblait aussi paisible qu’au lever du soleil.

Sans rideau pour la stopper, la lumière du jour se diffusait aux quatre coins de la modeste chambre, faisant ressortir l’aspect vétuste de la peinture grise et l’usure du plancher en bois. Seul un grand lit en fer forgé trônait telle une oasis au milieu de la pièce, dernière relique d’un passé révolu. L’ambiance de la maison de procréation abandonnée formait autour un cocon protecteur, hors du temps et inaccessible.

Étendus sur le matelas avec pour couverture l’étoffe légère d’une cape, Physalis et Lime se blottissaient l’un contre l’autre. Leurs respirations s’accordaient à l’unisson. Le monde extérieur, lui, ne pouvait les atteindre. Même s’ils étaient réveillés depuis le petit matin, rien ne les pressait de revenir à la réalité. Lorsqu’ils se retrouvaient ainsi, dans cette bulle de douceur occasionnelle, seule comptait la présence de l’autre.

Lové contre la princesse, Lime fredonnait un air du bout des lèvres comme s’il murmurait un secret juste pour eux. La mélodie berçait le cœur de Physalis et la maintenait dans un état de semi-conscience mélancolique. Elle aurait voulu que cet instant soit infini. Pourtant, la voix de Lime s’estompa, laissant place à la chaleur de ses mains, qui trouvèrent la peau de Physalis. De ses doigts habiles – dont la douceur s’était atténuée depuis qu’il n’était plus procréateur –, Lime effleura d’abord la joue de la princesse, puis ses épaules, passant par le creux de sa poitrine jusqu’à descendre sur son nombril. Là, il déposa la paume de sa main. Une tiédeur exquise se diffusa dans le bas ventre de Physalis.

— Est-ce qu’on oublie de te nourrir au palais ?

Un sourire taquin se dessina sur le visage de Lime. Son regard aux pupilles perçantes et noires comme le jais s’attarda sur les courbes de Physalis. Quand il l’observait ainsi, avec tant de désir et d’amour, alors qu’elle se livrait à lui sans le moindre apparat, elle se sentait la plus importante au monde. Et la plus vulnérable aussi.

— Cela fait à peine quelques semaines… Tu préférerais que je sois gonflée comme un ballon ? Regarde, dit-elle en désignant l’arrondi de son ventre, c’est déjà plus qu’un simple embonpoint.

— Tu resteras ravissante même avec des rondeurs en plus.

— Flatteur… C’est comme ça que tu obtiens des faveurs des commerçantes aux Agoras ?

— Ne le répète pas, répondit-il avec un clin d’œil.

Physalis émit un petit rire, camouflant derrière cette prétendue insouciance les tourments que lui causait cette grossesse. Prendre du poids était le dernier de ses soucis.

Qu’avaient-ils fait tous les deux ? Comment avaient-ils pu ne pas s’imaginer les conséquences de leur union ? La chaleur et la passion qu’elle ressentait au contact de Lime, l’amour inconditionnel qu’elle lui portait… tout ceci lui avait fait perdre la tête. Et même aujourd’hui, alors qu’elle redoutait les suites de cette grossesse, elle ne pouvait s’empêcher d’éprouver un certain bonheur en portant l’enfant de Lime. Ses sentiments surpassaient sa raison, comme toujours. Mais l’heure n’était plus à se chercher des excuses. Il fallait assumer l’entièreté de ses actes et de ses choix.

Lime se redressa sur ses coudes, attardant son attention sur le visage de la princesse. La proximité de ce face à face inquisiteur fit battre le cœur de Physalis un peu plus profondément.

— Même quand je parviens à te faire sourire, je n’arrive pas à effacer cette inquiétude dans ton regard.

Elle soupira, percée à jour.

— Cette attente est un supplice. Si je pouvais connaître le sexe de l’enfant là, tout de suite, je serais rassurée. Ou pas… Mais au moins, je serais fixée.

Lime déposa sa tête contre l’épaule nue de Physalis. Elle respira l’odeur de sable et de soleil qui émanait de ses cheveux d’ébène. C’était apaisant.

— Inutile de faire des prédictions. Tu le sauras assez tôt, et je suis sûr que tout ira bien, affirma-t-il.

— Comment tu peux en être sûr ? C’est une chance sur deux…

Lime se releva en haussant les épaules. Depuis l’annonce de la grossesse, il semblait l’aborder avec un détachement déconcertant. Pourtant, en tant qu’ancien procréateur, il aurait dû accorder de l’importance au sexe de l’enfant. Donner une descendance féminine au royaume serait bien plus favorable que le cas contraire. Cette fâcheuse tendance à dédramatiser la situation ne calmait pas les angoisses de Physalis, au contraire.

— On dirait que ça ne t’inquiète pas vraiment, fit-elle remarquer.

— À une autre époque, cela m’aurait empêché de dormir la nuit. Le résultat aurait pu bouleverser ma vie. Mais je ne suis plus un procréateur. À peine un géniteur officieux. Et encore… Pour le moment, tu es tombée enceinte par magie.

— Mais tu es le géniteur de cet enfant. Cela devrait quand même t’inquiéter de savoir s’il sera la future héritière du royaume ou juste…

— Un homme ? termina-t-il. Je n’aurai pas mon mot à dire dans les deux cas.

Il leva des sourcils convaincus vers Physalis, qui ravala aussitôt ses arguments. Comment faire comprendre à Lime qu’elle voulait qu’il se sente impliqué, alors que cette alternative ne s’offrait de toute façon pas à lui ? Les hommes n’avaient jamais leur mot à dire, en effet. Même ceux qui obtenaient le fameux privilège de concevoir un enfant. Ils n’étaient jamais plus qu’un intermédiaire. Lime le savait, et en dépit du caractère exceptionnel de leur relation, il ne pouvait s’autoriser à espérer davantage.

Physalis tendit une main vers son visage à l’air résolu. Il s’en saisit aussitôt, déposant un baiser contre sa paume avant d’y appuyer sa tête. Il ferma les yeux. Ses traits s’adoucirent, influencés par ce moment de tendresse. Pendant un instant, Physalis eut presque envie d’en rester là, de ne pas troubler son insouciance passagère, mais elle ne put se taire bien longtemps.

— Dans tous les cas, cela va changer ta vie, Lime. Tôt ou tard, il faudra clarifier l’origine de cette grossesse aux yeux de toutes. Si je parviens à convaincre le conseil de te redonner le statut de procréateur officiel, tu seras réhabilité dans le royaume.

D’un bond, Lime s’éloigna vers le bord du lit. Il tentait d’éviter le regard soucieux de Physalis.

— Je sais que l’idée ne t’enchante pas…

— Redevenir procréateur ? Être la propriété du palais ? marmonna Lime. Non, l’idée ne m’enchante pas.

Sans perdre son calme, Physalis répéta ce plaidoyer qu’elle avait déjà mis en avant à plusieurs reprises :

— Tu serais protégé. Tu ne serais plus un hors-la-loi aux yeux du conseil. Tu aurais tous les privilèges et les honneurs d’un procréateur accompli.

— Une vie de fugitif aux Agoras me paraît plus réjouissante que cette fausse liberté.

Les mots furent prononcés faiblement par Lime, mais ils frappèrent Physalis avec autant de consternation que s’il les lui avait jetés au visage.

Elle comprenait la frustration de Lime. Qu’il en ait assez d’être promené d’une propriétaire à l’autre, de ne jamais être maître de ses choix, d’en être toujours réduit à cette notion de servitude. Mais la pire des alternatives pour eux était bien celle qu’il venait d’évoquer.

Vexée, Physalis lui tourna à son tour le dos, rejoignant l’autre côt