L’avis tranché:
Pourquoi le cinéma est le plus complet, complexe et fascinant des arts? Parce que Blade Runner 2049. Oh oui.
L’émotion:
La critique:
Il y a des jours comme ça où vous allez voir un film sans la moindre attente, dans une petite salle pas spécialement confortable, et dont vous ressortez finalement complètement retourné pour plusieurs heures. True story. Alors, allons-y pour décortiquer cette petite merveille de 2h43.
Premièrement, le sound-design. C’est plutôt inhabituel de commencer par le design sonore pour une critique, et pourtant c’est bien la première chose dont on a envie de parler. Le travail du son dans le film est si abouti qu’il mérite largement un paragraphe tout entier! Dès les premières secondes du film, le design sonore nous plonge dans une ambiance à la fois glaciale et très organique. Tout est tellement puissant, les graves sont si poussés à l’extrême, que le son vous prend littéralement aux tripes. Il y a quelque chose de viscéral dans le travail du son, et c’est en grande partie ce qui donne vraiment vie au film. Que ce soit par des bruitages “robotiques” ou d’autres plus réalistes (on entend distinctement lorsqu’un personnage avale un verre d’eau par exemple), chaque détail sonore est minutieusement pensé pour donner du corps au film. C’est très intéressant puisque le sujet même du film est dans ce paradoxe du replicant, qui est plus vrai que l’homme lui même, qui ressent plus que l’humain, alors qu’il n’est censé être que machine. Et puis il y a cette tension, qui est déjà présente dès le début, mais qui s’intensifie de plus en plus, soutenue par une bande originale digne de ce grand thriller de science-fiction. Mais j’y reviendrais.
Deuxièmement, les images. Alors oui, là normalement, c’est le moment où je crie au génie en invoquant le dieu Emmanuel Lubezki. Mais voilà, Roger Deakins mérite sa place aussi au panthéon! Chaque plan, chaque lumière, chaque cadre est réfléchi minutieusement, travaillé pour livrer à la fois une ambiance, un message, et une émotion, le tout pour servir la narration à un niveau symbolique qui nous touche directement les sens. Tantôt extrêmement froid et “sale”, comme les étendues de béton grisâtre ou de décharges à ciel ouvert, tantôt sombre et fluorescent, comme la paradoxale Los Angeles de 2049, parfois chaud et monochrome comme le désert fantomatique d’un Las Vegas oublié… C’est beau, c’est puissant, et surtout, on nous laisse le temps d’apprécier ces plans, car un des points forts de Blade Runner (l’ancien comme le nouveau), ce sont ces moments de contemplation qui nous permettent de nous immerger profondément dans l’ambiance du film… ce qui rend encore plus difficile le retour à la réalité lorsque l’on sort de la salle de cinéma. Le film reste en vous bien après la séance. On pourrait encore en dire beaucoup sur les images mais je résumerais de toute façon comme ceci: sublime et parfait.
Troisièmement, oui, nous allons enfin parler du scénario. Et des acteurs aussi, parce qu’ils portent l’histoire. Une nouvelle réussite ici, puisque Blade Runner 2049 parvient à faire une suite digne du premier film culte, en approfondissant ses questionnements philosophiques, tout en lui donnant des nouveaux thèmes comme celui de la virtualité incarné par l’entité numérique Joi. Si l’on croit à un moment donné avoir tout compris à l’histoire et que l’on commence à se dire qu’il ne sera pas aussi facile de nous surprendre après le premier Blade Runner, et bien le scénario parvient quand même à nous retourner les vérités que l’on pensait acquises, tout en laissant encore des portes ouvertes à l’interprétation. Le personnage principal, joué par Ryan Gosling, celui que l’on connait dès le début comme un replicant, est un très joli personnage. Par son inexpression et sa capacité à encaisser tout ce qui lui tombe dessus, il est très touchant. Il semble lui aussi, plus humain que n’importe quel autre humain (qui sont d’ailleurs à contrario assez représentés comme des sortes de coquilles vides qui partent à la dérive). Son histoire est tragique et belle à la fois, et brillamment interprétée par Ryan Gosling, qui sait mieux que quiconque faire cette tête sans expression qui en dit pourtant long! Pour le reste du casting, on reste sur du très bon, même si j’ai quelques réserves sur certains comme le grand méchant Wallace qui fait son grand méchant de manière assez caricaturale, ou encore pour Joi, qui susurre à l’oreille de Ryan au point de me rappeler Scarlett Johansson dans Her, qui m’avait déjà assez agacé à ce moment là (oui le personnage est intéressant, mais est-ce que la femme robot doit toujours être interprétée comme une bimbo langoureuse qui chuchote des mots doux parce que “c’est trop dur d’aimer, je ne suis qu’une pauvre machine sans âme, je suis si fragile…”?).
Pour conclure, car l’on pourrait encore en dire beaucoup mais il faudrait pour cela revoir le film, déjà, et ensuite, procéder à de longues heures d’analyse… je terminerais avec la réalisation bien entendu, qui est un condensé de tout ce que j’ai pu dire avant, mais qui mérite quand même de parler de ce travail d’orfèvre mené par Denis Villeneuve. Non seulement il s’approprie totalement l’univers de Ridley Scott, mais en plus, il y ajoute une maîtrise de la tension et du suspense sacrément bien rodée. Pour ne citer qu’un moment du film, la scène la plus prenante de toute est, comme il se doit, le climax du film, et c’est une séquence extrêmement bien réalisée et montée. C’est un moment d’une intensité si forte que j’ai eu l’impression de retenir mon souffle pendant toute la scène, et pour cause, puisqu’il y a plusieurs degrés de tension dans cette séquence! Je ne peux pas la raconter pour ne rien spoiler, mais en gros, avec tout le background de tension qu’il y avait déjà jusque là dans le film, plus la musique, plus le stress du climax, plus les circonstances de cette scène (encore une fois qui touche à quelque chose de très viscéral, comme à un instinct de survie), je n’ai jamais été aussi tendue pour une bataille finale qui n’a pourtant rien de très “spectaculaire” (elle l’est, mais pas de manière traditionnelle, à coup de grosse baston ou d’effet spéciaux ou de pyrotechnie).
Alors, je ne saurais que vous conseiller d’aller voir le film pour vous faire votre propre idée et votre propre expérience, mais cela reste pour moi un grand moment de cinéma qui marquera cette année 2017, et qui sait, même peut-être jusqu’en 2049…
C’était mon avis tranché sur Blade Runner 2049,
et, les robots rêvent-ils de moutons électriques?
La bande annonce:
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