
Je ne suis pas le genre d'autrice dont la bio commence par "elle écrit depuis qu'elle sait tenir un stylo" ou "depuis sa plus tendre enfance elle écrit des histoires". Je ne suis pas ce genre d'autrice, car je me suis réellement intéressée à la littérature bien plus tard. En fait, mon rapport à l'écriture littéraire est assez "récent" et l'origine de ma passion pour la fiction remonte à d'autres sources. Je n'ai pas honte de dire que je me suis réellement mise à lire des romans depuis que j'en écris (même si je reviendrais sur cette notion de légitimité après).
Pourtant, depuis toute petite, rentrer dans une librairie et feuilleter des livres a toujours été une de mes activités favorites. Aujourd'hui, j'avais donc envie de vous parler de cet aspect-là de ma vie d'autrice, de mon rapport aux livres en tant qu'écrivaine, en retraçant le parcours de ma passion graduelle pour la fiction.
La "folie" des mangas
Je lisais peu de romans plus jeune. J'aimais la lecture et ne rechignais pas à lire les œuvres obligatoires à l'école, mais je n'étais pas une bookworm (ou rat de bibliothèque si vous préférez). Je n'étais pas le profil typique de la geek - bien qu'ayant une tendance à vouloir être la bonne petite première de la classe -, j'avais des amis et ne me sentais pas vraiment "à part". Cependant, j'avais déjà une passion assez dévorante qui a commencé vers le début du collège : les mangas. À l'époque, ce n'était pas vraiment commun. Je vous parle d'un temps où il fallait faire une heure de route pour aller dans une grande ville pour trouver une librairie qui proposait autre chose que trois tomes en vrac de Dragon Ball. Donc, en réalité, je lisais. Je lisais beaucoup, même si ce n'était pas vraiment considéré comme de la lecture. D'ailleurs, même encore aujourd'hui subsistent des préjugés à l'égard du manga (ou de la BD aussi), comme s'ils étaient moins nobles que la littérature (alors qu'il s'agit juste d'un autre médium).
Je dessinais aussi, et mon temps libre était consacré à cette activité. Je m'amusais à créer des personnages, des planches, des mini histoires (honteusement plagiées sur Sailor Moon) que je partageais avec mes camarades de classe.
En parallèle de ça, j'ai grandi avec le petit écran, qui me tenait compagnie chaque fin d'après-midi après l'école et le week-end, et si je n'étais pas en train de dessiner, je devais être en train de regarder des épisodes de Buffy ou de Charmed, mais en réalité c'était plutôt les deux en même temps. La fiction rythmait déjà mon quotidien. Je pense qu'il s'agit d'une époque vraiment charnière dans la construction de mon rapport aux histoires, qui transpire encore aujourd'hui dans mes obsessions d'écriture.
Lectures marquantes de cette époque : L'île au trésor, Robert Louis Stevenson
Harry Potter
Peach Girl, Miwa Ueda
Card Captor Sakura, CLAMP
Cinéma, mon amour
Au lycée, je ne m'intéressais toujours pas vraiment à la littérature. Les œuvres scolaires, l'analyse de texte, les rédactions, j'aimais ça, mais j'y préférais davantage le spectacle vivant, comme le théâtre ou la danse. Mais de là à parvenir à concurrencer la télévision et ses programmes fascinants de l'époque... (la trilogie du samedi, toi même tu sais <3)
À ce moment-là, un nouveau concurrent entre en jeu.
Si mon amour pour le cinéma prend racine bien avant cette époque, avec des œuvres marquantes d'enfance, le développement de la VHS puis du DVD (encore des objets à collectionner, chouette!), les vidéoclubs, et ma passion adolescente pour les films avec Will Smith (oui, c'est précis), c'est au lycée que j'ai eu LA révélation. (à ce stade, j'ai dû le raconter mille fois et c'est pas hyper original, mais: Le Seigneur des Anneaux, voilà le déclencheur)
Et c'est ça. C'est ça que j'aime. Vibrer à travers l'écran, voyager dans des milliers d'univers alternatifs, ressentir la panoplie de toutes les émotions humaines, mais aussi, comprendre comment une telle magie peut s'opérer. Les coulisses du cinéma se mettent alors à me fasciner, toute la machinerie qu'il y a derrière, je veux comprendre comme c'est fait. Derrière mon esprit rêveur, il y a un cerveau assez scientifique, je m'intéresse donc en premier à la technique, tout en continuant de créer des planches de manga, bien sûr. Mon bac S en poche, je décide donc de m'orienter vers un parcours radicalement différent: des études d'art du spectacle et de cinéma.
Lectures marquantes: Au bonheur des dames, Emile Zola
Inuyasha, Rumiko Takahashi
Théorisation des histoires
"Bon, elle nous raconte sa vie, c'est bien joli, mais elle est déjà à la fac - en fac de lettres! - et elle ne lit toujours pas de romans?"
Bah oui, je vous avais prévenu, c'est venu sur le tard. Mais ça commence ici, avec le travail universitaire, avec la fac de lettres, et, encore une fois, avec le cinéma. L'un des plus grands intérêts que je retiens dans le fait de poursuivre un parcours universitaire, c'est le développement de l'esprit critique, d'analyse et de théorisation. Et bien sûr, une ouverture large sur la culture et toutes ses formes. J'avais donc lu des tas de romans avant la fac (Dois-je préciser que comme de très nombreuses gens de mon âge j'ai grandi en même temps qu'Harry Potter?), mais à présent je comprenais bien plus l'intérêt de le faire. Par exemple: développer ce bagage culturel nécessaire à la compréhension des œuvres d'art et de leur intertextualité. À la fac, on lit aussi beaucoup d'essais, et c'est quelque chose que j'aime encore faire aujourd'hui.
Et puis, c'est aussi la première fois que j'apprends à écrire des scénarios. Là, il se passe un truc. Je devine sans vraiment le comprendre que moi aussi je peux faire de la magie avec mes doigts et mes mots.
Je me souviens m'être rendu compte que je pouvais donner vie à l'univers des Enfants de Vénus après avoir lu le roman Silo. J'imagine que ça trottait dans un coin de ma tête depuis un moment, mais le fait de découvrir un parcours comme celui de cet auteur de science-fiction (d'abord autoédité sur Amazon), m'a fait réaliser que c'était tout à fait possible. Je décide donc de passer du format scénario, au format roman.
Lectures marquantes: La fin des temps, Haruki Murakami
Twilight, Stephenie Meyer
Silo, Hugh Howey
Un auteur, ça lit
L'un des premiers conseils que vous pouvez trouver lorsque vous vous lancez dans l'écriture littéraire, c'est qu'un auteur est forcément un lecteur. Un conseil avisé, puisque c'est en étudiant d'autres textes que vous pouvez engranger les codes d'un genre par exemple, mais qui culpabilisera sans doute beaucoup d'aspirants écrivains. Quand j'ai commencé à écrire Les Enfants de Vénus, je ne me considérais pas comme une "vraie" lectrice. Je ne lisais pas assez de romans à priori, je n'y connaissais rien en classiques, et la littérature qui m'intéresse alors (le young adult, la dystopie etc.) n'a pas grande réputation. Bon, moi, j'ai tendance à en avoir un peu rien à secouer de ce que pensent les élitistes, donc je n'en fais qu'à ma tête.
Cette époque, c'est aussi le moment où commencent vraiment à fleurir et à gagner en visibilité les contenus littéraires sur internet. Je découvre Booktube et c'est le début de la fin pour ma pile à lire XD
Au début, je me suis beaucoup laissée influencer par les comptes booktube et bookstagram, car je pense que je ne connaissais pas encore bien mes goûts (ni les goûts finalement très personnels de l'influenceuse en question). Au fil du temps, j'ai heureusement appris à mieux discerner à l'avance ce qui correspondra à mes envies de lecture ou ce qu'il serait intéressant de lire pour effectuer des recherches pour un roman. On évite de se laisser attraper juste par une jolie couverture chatoyante ici! (même si c'est duuuur, je l'avoue)
Donc, depuis que j'écris, je lis beaucoup. Je suis parvenue à me fixer une habitude de lire chaque soir, même si ce n'est que quelques pages avant de dormir. Ainsi, la lecture fait partie de mon quotidien.
Lectures marquantes: La Passe-miroir, Christelle Dabos
Dirk Gently's Holistic Detective Agency, Douglas Adams
Mais revenons un peu sur cette histoire de légitimité.
Est-ce que pour autant je me sens légitime ? Pas vraiment.
Je m'intéresse aux classiques, oui, mais ceux qui peuvent m'aider à mieux comprendre le genre dans lequel j'écris. Je ne lis quasiment pas de littérature dite blanche et traîne toujours au rayon SFFF et jeunesse, car pour trouver des autrices de SFFF, il faut souvent aller côté jeunesse (*souffle fort*).
Ah oui, je lis surtout des œuvres d'écrivaines. Je m'y retrouve mieux, c'est comme ça ¯\_(ツ)_/¯
Et je suis vraiment contente de constater que dans la littérature il est assez facile pour moi de trouver des modèles de la gente féminine pour m'inspirer :) (ce qui est moins le cas côté ciné et série, le milieu étant encore loin de la parité dans la distribution des postes clés comme celui de réalisateur)
Je lis toujours des mangas, des graphiques et des comics, même du webtoon récemment.
Je passe toujours beaucoup plus de temps devant l'écran que devant des livres... Je regarde des séries à la pelle et continue de soigner ma cinéphilie.
Alors, légitime en tant que lectrice ? Probablement pas telle que se le figurent les grands pontes de la 𝖓𝖔𝖇𝖑𝖊 𝖑𝖎𝖙𝖙𝖊́𝖗𝖆𝖙𝖚𝖗𝖊.
Légitime en tant qu'autrice? Beaucoup plus que lors de mes débuts en écriture il y a 6 ans de ça, mais encore une fois, dans mes genres et intérêts de prédilection. D'ailleurs, vous ne me verrez pas prodiguer conseils d'écriture à moins qu'il ne s'agisse: 1 - d'un partage de ma propre expérience ou 2 - d'un domaine pour lequel je pense avoir une véritable expertise. Je me sens aussi beaucoup plus légitime à vous parler de cinéma et de séries, forte de mes cinq années d'études dans le domaine. Le syndrome de l'imposteur à la peau dure parfois.
Et en même temps, presque chaque instant de mon quotidien baigne dans la fiction. Elle remplit mon esprit en permanence. Je me nourris d'histoires et de leurs mécanismes sous une variété de média qui m'inspirent en se répondant entre eux.
Alors est-ce qu'il y a vraiment besoin que j'ai lu Proust pour me sentir une lectrice légitime? Damasio pour me sentir une autrice de SF légitime? (pour le coup, c'est pas faute d'avoir essayé)
Loin de moi l'idée de dire qu'un auteur peut se passer de lire. Pour maîtriser un médium, il vaut mieux le connaître! Lire pour écrire est un vrai conseil utile. Mais je pense qu'il y a autant de lecteurices, et autant d'auteurices, qu'il y a de style d'écriture, de façon de conter des histoires et de les appréhender.
Alors ne nous mettons pas la pression et vivons notre rapport à la lecture avec légèreté et bienveillance.
Personne n'aime se sentir bête quand quelqu'un vous dit "oh mais tu n'as jamais lu tel bouquin classique ou tel chef d'œuvre reconnu?!", mais je parie que vous, comme moi, avons lu des pépites inconnues du grand public dans un genre bien précis dont nous pourrions aussi nous vanter.
Faut conclure
Je dois l'avouer, à l'heure où j'écris ces dernières lignes, je ne sais plus trop où je voulais en venir avec ce post ou ce qui a pu déclencher l'envie de vous parler de tout cela au départ. Est-ce que je voulais me dédouaner de ne pas lire assez d'œuvres majeures? M'autoconvaincre de ma légitimité à construire des histoires en tant qu'autrice? Vous racontez ma vie? Je ne sais plus.
Peut-être que cela venait aussi de ce sentiment de passer à côté d'œuvres, de ne pas avoir le temps de lire et de voir tout ce qui m'intéresse. Cette impression lancinante qu'on aurait beau se consacrer corps et âme à une discipline comme la lecture toute sa vie, il serait impossible de toucher du doigt la complexité infinie des œuvres du passé, du présent et du futur...
Peut-être que je ne me sens pas grand chose, à côté de tous ces livres.
Peut-être que je me sens tout, aussi. À travers ces fictions.
C'est un peu cela, ma quête en tant qu'autrice, arriver à offrir un bout de ce tout merveilleux, à travers quelques lignes sorties du bout de mes doigts.
Je m'égare. Mais je pense que j'ai dit tout ce que j'avais à dire pour aujourd'hui.
J'aimerais beaucoup savoir ce que vous pensez de ce sujet, comment vous appréhendez la lecture, la consommation de fiction, et quelles sont les œuvres littéraires qui vous ont le plus marquées dans votre vie! L'espace commentaire en dessous est là pour ça :)
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