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Ma méthode de réécriture

Si l'on parvient à s'imaginer combien l'écriture du premier jet d'un roman peut être un processus long et difficile (une petite pensée pour le panthéon des projets abandonnés en cours de route), on s'imagine rarement la complexité et pourtant l'essentialité de la phase de réécriture, ou révision selon le terme que vous préférez.

Mais ça consiste en quoi exactement la réécriture? Et comment s'y prendre, par où commencer? Quand savoir s'arrêter?


Pour faire le tour de la question, plutôt que de vous donner une liste exhaustive de toutes les méthodes et conseils que l'on peut trouver à ce sujet, j'ai décidé de vous parler de mon processus personnel. Pas de règles gravées dans le marbre, juste quelques pistes pour aborder cette phase avec tranquillité :)

De plus, je parle ici en tant qu'autrice indépendante, donc le travail de réécriture peut s'avérer différent lorsqu'il est fait en collaboration avec un éditeur. Il n'empêche que cette première phase de révision me semble nécessaire avant toute soumission à des maisons d'édition.


1. La pause

Ou "réapprendre à vivre sans son histoire".

La dernière ligne du premier jet est enfin posé. Moment de satisfaction et de grâce. Tiens, et si je relisais tout depuis le début, juste pour voir? STOP! Malheureux! Posez vos claviers et refermez ce document!


Vous retrouverez ce conseil partout: avant d'entamer la révision, laisser reposer le manuscrit est indispensable! Concernant la durée, c'est un peu comme on veut, mais il est généralement recommandé d'attendre 2-3 semaines minimum. Pour ma part, je laisse toujours passer un mois, un mois et demi. C'est le moment de faire autre chose, de renouer avec la vie parce qu'avouons-le, nous n'étions plus que des zombies errants entre deux mondes pendant ce dernier sprint final de la version 1.

Cette étape indispensable me permet de me détacher de mon histoire, à la fois pour laisser au cerveau le temps de décanter cet énorme amalgame de mots qu'est le premier jet, de le reposer aussi, laissant de la place à de nouvelles idées pour se former, et bien sûr d'oublier ce que j'ai écrit afin de le redécouvrir avec un œil nouveau.


2. Macro-révision

Après ce repos bien mérité, il est temps de s'y remettre. L'ampleur du travail de réécriture peut paraître titanesque et faire peur. Et en effet, il y a du boulot. Un premier jet est rempli d'erreurs, de maladresses, parfois d'incohérences. La mauvaise option ici serait de vouloir commencer par de petites corrections, des reformulations de dialogues ou même des corrections de ponctuation! Pour ne pas perdre un temps et une motivation précieuse, il faut s'attaquer en premier aux macro-corrections. Kézako? Ça peut être par exemple: vérifiez la cohérence du récit dans son ensemble, voir s'il manque des scènes ou en enlever, vérifier si tous les personnages ont leur utilité, si certains chapitres sont correctement découpés, trop longs ou trop courts, prêter attention au rythme en général...


Personnellement, je procède en relisant chapitre par chapitre, sachant que pendant la "pause" j'ai généralement eu des idées de grosses modifications que j'ai précieusement notées dans un carnet et sur lesquelles je pourrais donc revenir au moment de relire le chapitre en question. Alors, je ne me prive pas non plus de réécrire à plus petite échelle pendant cette révision là, mais j'essaie de ne pas trop m'attarder sur des détails, car la réécriture est loin d'être finie, et ce serait dommage d'écrire un dialogue parfait qu'il faudra ensuite supprimer en entier!

Généralement, je vais travailler un chapitre en profondeur une fois, puis le relire en revérifiant que mes modifications fonctionnent, et enfin faire une dernière relecture où je l'arrangerai plus dans les détails. Si certains chapitres demandent vraiment une grosse réécriture (ajout ou suppression d'un personnage, d'un dialogue, changement de lieu), dans ce cas il me faudra généralement plusieurs sessions de travail en profondeur (ça revient à de la phase de premier jet, donc c'est plus long).


3. Bêta-lecture

Le bon moment pour envoyer un manuscrit à la bêta-lecture peut être difficile à appréhender. À trop chercher la perfection, on peut se perdre dans un cercle vicieux de corrections qui serait interminable et finalement contre-productif. La vision d'un lecteur extérieur est indispensable pour avancer. On a beau connaître par cœur son histoire, on ne peut pas tout voir, on ne peut pas avoir conscience de tous ses défauts et de tous ses points forts. Ou on peut aussi être trop attaché à certaines choses que l'on a écrit au point de ne pas se rendre compte qu'elles desservent le récit. Cependant, je n'envoie pas non plus en bêta-lecture un manuscrit dont je ne suis pas relativement satisfaite. Si le bêta-lecteur a trop d'incohérences à corriger, il ne pourra pas faire attention au rythme par exemple. Il faut trouver le juste milieu. Lorsque tout me semble assez "propre" pour être lu par une personne tierce (sans chercher la perfection, je fais quand même attention à l'orthographe dans une dernière relecture), c'est le moment où je commence à l'envoyer à mes bêta-lectrices.


4. Macro-révision, le retour

Si vous pensiez que l'étape de la "pause" était difficile, la phase d'attente avant les retours des bêta-lecteurs est bien plus terrible! Eh oui, là, cela ne dépend plus de nous. Il faut juste être patient et prier pour que notre passage préféré ait plu à nos lecteurs. Prenez le temps d'avancer sur un autre projet en attendant, ça vous distraira!


Quoi qu'il en soit, lorsque les retours arrivent, il faut se remettre au boulot. Si la première phase de réécriture a suffisamment été constructive, il peut néanmoins rester des modifications "majeures" à apporter au manuscrit. Il est important d'écouter le ressenti des bêta-lecteurs, d'en retirer les grandes lignes et les remarques qui reviennent à coup sûr, et de faire des choix quant à ce que l'on réécrira. L'erreur serait soit de ne rien vouloir modifier, soit d'écouter toutes les corrections sans comprendre en quoi elles sont importantes pour l'oeuvre ou non, soit d'être tétanisé à l'idée de recommencer cette nouvelle phase de révision par peur de ne jamais en voir le bout (mais si votre bêta-lecteur est bon, il saura à la fois vous rassurer tout en pointant du doigt les problèmes du manuscrit).

Donc, retour à la révision chapitre par chapitre!


5. Micro-révision

Une fois que les fondations sont enfin bien posées, il est temps de s'occuper d'une réécriture plus minutieuse. Ce que j'appelle la "micro-révision", c'est de la révision ligne par ligne. En gros, je vois le chemin de la réécriture comme ceci:

structure globale de l'histoire > chapitres > scènes > paragraphes > lignes > mots

La première partie en bleu serait de l'ordre de la macro-révision, en rose, la micro-révision. Bien sûr, ce n'est pas une conception figée. Comme je vous l'ai dit, je peux en être à la première phase de réécriture et pourtant modifier un mot qui ne fonctionne pas ou enlever un verbe de dialogue en trop. Ou je peux en être à la phase micro-révision et décider quand même de supprimer un bout de scène. Mais en gardant ceci en tête, ça m'aide à me concentrer sur l'essentiel et encore une fois, à gagner du temps.

La réécriture minutieuse concernera donc plutôt le rythme d'enchaînement des paragraphes, leur découpage, le tempo d'une ligne à l'autre, le choix d'un mot qui sera plus efficace, plus juste. Cela peut aussi être: vérifier les verbes de dialogue, traquer les mots de remplissage ("très, vraiment, juste..."), les périphrases etc. Personnellement, j'aime bien cette phase, car il s'agit d'affiner, d'apporter encore plus de précision et de son style dans l'écriture. Mais elle ne serait pas si agréable s'il n'y avait pas eu avant une vraie reconsidération globale du manuscrit.


6. Correction et relectures

C'est le moment où toutes les solutions sont bonnes pour voir son manuscrit sous un œil nouveau. Ma préférée? Changer la taille de police dans mon logiciel afin de redécouvrir le texte différemment. En effet, il est vraiment difficile de trouver des fautes et des coquilles quand on a travaillé aussi longtemps sur un projet. Certaines phrases se lisent presque par cœur, donc il faut être vraiment concentré pour chasser les petites étourderies. Antidote devient aussi mon meilleur ami! (voir "Mes outils favoris d'écriture")

Bien entendu, vous pouvez aussi faire appel à des relecteurs expérimentés ou des correcteurs professionnels, surtout si vous ne vous sentez pas à l'aise avec l'orthographe.

De mon côté, je corrige seule mes manuscrits, avec à nouveau une stratégie de révision par compartiments: je vais m'intéresser dans chaque relecture à un point différent. Par exemple, je vais commencer par être attentive à la conjugaison en premier, puis aux répétitions et aux adverbes, puis à ma ponctuation, pour enfin relire en cherchant les coquilles. Je vais donc faire plusieurs relectures, passer Antidote, relire encore, et encore, et une dernière fois...


En terme de temps, une réécriture dure pour moi en moyenne 3 à 5 mois, sans compter les temps morts. Sachant que la phase d'écriture me prend environ 8 mois en général. Bon, après, ce ne sont que des chiffres et je suis vraiment loin d'avoir une écriture rapide, sans être extrêmement lente non plus. Là, ça dépend de chacun (et de la taille du manuscrit).

Quoi qu'il en soit, je pense qu'il est assez clair désormais que la phase de réécriture est aussi importante que celle du premier jet, que l'on ait une écriture plutôt brouillon ou assez propre au premier jet, l'une demandant tout de même plus de révision que l'autre, mais ça, c'est une autre histoire!


En attendant, moi je file, j'ai un manuscrit à retravailler!!!


J'espère que cet article assez long vous aura plu, pour ceux qui écrivent comme pour ceux qui se demandent pourquoi je mets autant de temps à sortir un livre XD, et je souhaite bien évidemment bon courage à tous ceux qui entament une phase de révision de manuscrit. Tout va bien se passer :)


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